(C2S1) - BORN TO DIE

« Merci Betty, à bientôt ! » J’attrape mon latte à la lavande, mon cookie matcha et quitte le café sans chercher à croiser le regard de personne. Je n’ai pas envie d’être interrogé sur les événements survenus la semaine dernière. Tu es parfois agacé par la curiosité maladive des citoyens de Cloudcroft, pourtant tu la comprends… N’est-il pas normal de vouloir savoir, de chercher à comprendre quand de telles choses se produisent ? Je parviens à me soustraite à toute interpellation non essentielle et reprends la route à pied, le cœur presque léger, mes lunettes de soleil vissées sur la tête. Je jette un coup d’œil au petit sac qui m’a été remis et porte le cookie à mes lèvres. Un délice. J’ai toujours adoré Betty pour ses talents de pâtissière. Cette femme ne cesse de me surprendre, très à l’écoute des tendances, des nouveautés et des expériences sucrées à réaliser. La réputation du café repose essentiellement sur ses talents. Le café attendra encore quelques minutes, il est brûlant. Le carton glissé par-dessus le gobelet ne parvient pas à en contenir la chaleur et mes doigts peinent à maintenir ma source de carburant principale sans la faire rouler d’une phalange à l’autre. Tu justifies cela par l’inconfort que tu éprouves à cause des fragments de verre qui t’ont coupé les mains quand tu es tombé l’autre soir. Cela n’aide pas, ton épiderme est nettement plus sensible, il le sera pour quelques jours encore. Je ne me plains pas, la situation pourrait être plus dramatique, elle l’aurait été si je n’étais pas intervenu en n’écoutant rien d’autre que mon impulsivité. Certains appellent cela de l’héroïsme, il s’agit pourtant davantage de folie… Il faut être complètement timbré pour se jeter dans une situation aussi périlleuse sans réfléchir, avec une pierre comme seule arme… Sans rien pour se défendre.

Je la ressens avant de la voir, ma sœur. Mon corps tout entier me dicte le sourire que je peine pourtant à laisser filtrer sur mes lèvres. Ce n’est pas faute d’être heureux de la voir, mais… Tu as l’esprit saturé de questions depuis que tu as croisé ta sœurette en compagnie d’un autre ami… D’un proche, pour ne pas aller plus loin dans la description que tu pourrais effectuer de votre relation. Tu n’es pas jaloux, ce n’est pas dans ton ADN… T’es plutôt surpris à vrai dire, @Teresa et toi n’avez pas de secrets habituellement. Cette méconnaissance a un goût étrange, que tu ne sais pas gérer… Pas elle ! Elle n’a pas le droit de te faire cela ! « Pichoncita ! »

Spoiler:

Elle est magnifique, ma sœur. Joliment apprêtée, maquillée juste ce qu’il faut pour briller même si, soyons honnêtes, elle n’a pas besoin de tout cela pour retenir l’attention sur son passage. Sa beauté irradie et interpelle partout où elle passe, un soleil qui brille très fort et réchauffe l’atmosphère pour le meilleur, et cela constamment, quoi que puissent en dire les habitants de cette ville. Certains ne sont pas toujours sympathiques avec @Teresa… Ces mêmes individus qui ne manquent pas de critiquer tout le monde dès que l’occasion se présente. Ils n’ont que cela à faire, tu le sais, et pourtant t’es révolté… Je suis anxieux et en colère, c’est vrai. J’ai tout le mal du monde à trouver comment lui éviter d’être victime de cette frustration accumulée ces dernières semaines. Elle ne mérite pas d’être un tel réceptacle, la cible d’un trop-plein qui menace très fort d’exploser. Elle est la goutte d’eau qui fait déborder ton vase. Tu ne supportes pas le mensonge, tu pardonnes aisément ceux qui visent à te protéger, quand elle affirme que tout va bien même si vous savez tous les deux que c’est faux. Cette fois, en revanche, c’est différent, et vous le savez tous les deux également ! Je prends sur moi et l’enlace, le cœur lourd, les larmes au bord des prunelles. Elle parvient à me faire rire malgré tout, de sa tendresse, de cette main qui se perd dans mes cheveux pour me les ébouriffer. « Il n’y a plus de place chez le coiffeur… La patronne n’était même pas certaine de pouvoir me recevoir la semaine prochaine. J’crois qu’elle hésite à se tirer d’ici. Tu ne veux pas me faire mon dégradé ? » Je ne déteste pas avoir les cheveux mi-longs, qu’on se le dise, mais je préfère une coupe courte malgré tout. Je souris, amusé, quand elle mentionne le pas effectué en direction des lumières d’Hollywood avec toutes ces cicatrices et éraflures. Le pire, dans tout cela, c’est qu’elle n’a pas tort. « Et tout cela sous les yeux du monde entier, s’il te plait ! » Je lève l’index, à fond dans mon rôle de merdeux imbu de sa personne. Ce n’est pas vraiment moi, même si je sais être arrogant parfois. Je ne me féliciterais jamais d’être intervenu, encore moins de percer sous prétexte que ces enfoirés pensaient filmer un meurtre et qu’ils n’ont obtenu qu’une succession de blessures sans conclusion sanguinaire.

Teresa s’installe et commande un ca… Un thé ? Je fronce les sourcils et la mitraille du regard, sans un mot. Pourquoi vouloir à tout prix communiquer par la parole alors qu’elle ne manquera pas d’interpréter de la bonne manière ce que mes prunelles sont en train de lui dire. Elle se ravise et demande finalement un café corsé. Je reste confus, incapable de défroisser cette moue extrêmement confuse qui trône fièrement sur mes traits. Il n’y a que sa petite bouille, lovée contre mon épaule qui me canalise un peu. Je glisse un bras protecteur contre son dos et l’enlace tendrement. Tu as mal, une douleur horrible… Tu n’en reviens pas qu’elle puisse prétendre que tout va bien… Rajouter une couche à ta peine avec des mensonges qui n’ont jamais eu leur place entre vous. Ouais… T’as les larmes qui remontent, putain ! Tu ne pensais pas être atteint de la sorte mais t’es sensible, trop sensible. Elle se met à me disputer, à me tirer l’oreille et je me mets à rire, à hausser les épaules l’air complètement surpris, résilié et candide. « T’as le privilège de ma mise à mort, d’accord ? J’crois qu’ils l’ont compris… Le monstre qui voulait s’en prendre à @Livia a hurlé que ce n’était pas ma scène, tu vois… Il sait, que c’est toi ou personne ! » Je plaisante, parce qu’il est plus facile d’adresser la situation de la sorte plutôt qu’à travers un prisme premier degré qui pourrait m’ébranler davantage. « Pourquoi j’pourrais vouloir te voir médias naranja, dis-moi ? » Ma moitié en espagnol, et une perche tendue pour accéder à… La vérité !