■ QUÊTE N°2 - SAMEDI 12 et DIMANCHE 13 août - entre 21h50 et 7h45

@Chloe
La mort frappe une nouvelle fois  


J'y vais Chloé, l'hommage commence dans dix minutes. Oliver dépose le tablier sur le comptoir et Chloé lui adresse un vague signe de la main alors que la porte claque déjà derrière lui. Il parait que tous les commerces ont fermé aujourd'hui, de façon exceptionnelle, pour aider les services de la Mairie à préparer l'hommage aux disparus dans le parc, à quelques pâtés de maison de là. Chloé, elle, a préféré maintenir son activité. Non pas qu'elle ait besoin d'asseoir la notoriété de son bar ou même de se faire de l'argent, mais elle sait que tôt ou tard, la foule qui s'est tenue la main et éclairée aux chandelles aura besoin d'un lieu pour se changer les idées. Et comme toujours, ça sera ici, qu'elle pense en finissant de nettoyer le bar. Loin des préoccupations des grands commerçants, elle n'a pas décoré les lieux pour l'occasion, ne s'est pas sentie obligée d'afficher des images de Gabriel, Hector ou même Cissé qu'elle connaissait à peine. Non, elle est restée sobre et fidèle à elle-même. Pourquoi surfer sur la vague des meurtres pour attirer du monde dans un bar qui, de toute manière, connait déjà la plus grosse clientèle du village.


Alors qu'elle change le fut de bière, un léger craquement se fait entendre derrière elle. Intriguée, elle relève la tête. Y a quelqu'un ? Sans doute la première erreur de la soirée, n'est-ce pas ? Elle dégage ses mains, se redresse entièrement. L'origine du bruit vient de la remise vers laquelle elle se dirige, sans crainte. Pourtant, une voix s'fait entendre tout au fond d'son esprit et Chloé s'arrête net. Elle fait demi-tour, attrape l'une des queues sur les tables de billard et, armée, reprend la direction de la remise. Tenant fermement le bois entre ses mains, les muscles bandés, elle pousse la porte, s'avance. Un pas, puis un second, pas un bruit, pas âme qui vive. Elle s'enfonce davantage, jusqu'au couloir attenant, lorsque brusquement, l'ampoule au-dessus de sa tête qui pendait éclate, se brise. La lumière s'éteint... Putain de merde. Qu'elle s'entend crier alors qu'elle capte à nouveau un léger craquement, plus au fond du couloir, près de la porte exit éclairée d'un néon blafard et rouge. Elle presse le pas, pose la main sur la poignée. Verrouillée, elle soupire de soulagement.
Se retourne.
Dans un sursaut terrible, elle brandit son arme de fortune et frappe la silhouette qui lui fait face. Aïeuh. La voix d'Oliver résonne jusque dans ses oreilles. T'es folle ou quoi ? Et toi alors ? Arriver par derrière dans une remise mal éclairée et sans prévenir... T'es au courant qu'y a des enfoirés qui tuent des gens ici ? C'est pour ça que j'suis venu te voir. Et son air est grave, soudainement. Qu'est-ce qu'il se passe ? Elle sent son palpitant accélérer, manquer un battement ou deux alors qu'il lui arrache la queue des mains et l'entraîne dans la lumière. Il pose le téléphone portable sur le bar, fait défiler les comptes Instagram jusqu'à celui de la ville de Cloudcroft. Il clique sur le premier réel qui s'affiche et l'image qui prend forme sous les yeux de Chloé lui arrache un hoquet de stupeur.
Elle voit inscrit en haut à droite de l'écran la mention live et sent une larme rouler sur ses joues alors qu'elle agrippe le bois du bar à s'en faire pâlir les phalanges. C'est en direct ? Oliver hoche la tête de haut en bas sans répondre. La scène qui se joue devant eux est aussi atroce que celle qui avait pris vie à peine une semaine plus tôt. Cette fois, l'homme qui se fait attaquer est à peine plus âgé qu'elle. @Kyle était un garçon discret, plutôt réservé avec qui elle avait eu loisir d'échanger à plusieurs reprises. Du genre bon élève, bon camarade mais surtout loin d'être du genre à causer des problèmes. Il... il faut faire quelque chose Oliver. Elle se sent pousser des ailes, prête à bondir mais le jeune homme lui attrape le poignet. Chloé ne joue pas les imbéciles. Tu sais pertinemment que tu n'peux plus rien y faire, c'est comme ça. Mais il va mourir si on n'fait rien.
Il est déjà mort !
C'est criant d'une vérité qu'elle refusait d'entendre, ou de voir, comme s'il y avait encore un espoir quelque part. L'espoir est le pire des mots, car il prolonge le tourment de l'homme, elle se souvient de cette vieille citation entendue quelque part et son ventre se tord, son cœur se serre. Ferme la porte de devant. Elle dit, brusquement, reprenant ses esprits. Tu t'occupes de la sortie de secours. Elle acquiesce d'un signe de tête.
D'une démarche assurée, Chloé fait demi-tour et rejoint la remise. Le silence qui y règne lui glace le sang alors que défilent encore sous ses paupières les images du nouveau massacre. Combien de morts avant que ça ne s'arrête ?  Qu'elle s'interroge alors qu'elle entre dans le couloir qui mène à la sortie de secours et s'arrête... net. Oliver, c'est toi qui as ouvert la porte ? Mais pour seule réponse, le bruit d'une ampoule grillée au-dessus de sa tête. Oliver ? Putain t'es sérieux, c'est pas le moment, qu'elle pense tout bas en secouant sa tête de gauche à droite. Elle serre le poing contre sa hanche, reprend sa marche et se précipite contre la porte pour la verrouiller à nouveau. Demi-tour dans la pénombre, faible lumière rouge qui danse sur les murs. Elle pose une main de chaque côté, avance tranquillement pour rejoindre la remise. Tu crois que c'est le moment de jouer à ce genre de jeux stupides 'Liv ? Qu'elle essaie de se convaincre.
Mais cette voix, là, tout au fond de son esprit...
Elle se mord la lèvre, quitte la remise et retrouve le bar, les tables de billards et les quelques autres tables sur lesquelles dansent des dizaines de bougies qu'elle avait installées avant que la situation ne dérape. Oliver ? Mais le jeune homme n'est pas là et ne répond pas. Son ventre se tord quand elle entend les hurlements qui s'échappent du téléphone resté sur le comptoir du bar. Elle s'en approche, verrouille l'écran d'un geste rapide sans même réaliser qu'en y jetant un coup d’œil, la scène n'était plus la même, la victime non plus.
Si elle y avait jeté un coup d’œil, moins occupée à se demander où était passé son collègue, elle l'aurait reconnu, bâillonné sur la vidéo, au milieu de ce qui ressemblait, à s'y méprendre, à une boucherie phénoménale. Mais Chloé n'a rien remarqué, non, et c'est sans doute la deuxième erreur qu'elle commet ce soir.
Au lieu de quoi, elle se dirige vers la porte du bar et la verrouille, persuadée qu'Oliver a pris la poudre d'escampette et l'a abandonnée à son sort, ici. Je quitte pas le navire, ça non, le Dave's est une institution mais, plus que tout, son lieu d'ancrage et sa maison. Si elle doit affronter une tempête, Chloé, elle l'affrontera ici... Et puis, rien ne peut plus lui arriver, à présent qu'elle est enfermée.


Il lui semble entendre le bruit des sirènes lorsqu'elle quitte finalement le livre des yeux. Personne n'a frappé contre la porte ce soir, personne n'est venu ici après la veillée, comme elle l'espérait. La mort de @Kyle a sûrement fini de convaincre les citoyens qu'ils seraient plus en sécurité chez eux mais Chloé avait cru que certains habitués prendraient le pari de venir lui rendre visite quand même. Elle pousse un long soupir, désormais convaincue que plus personne ne troublera le silence de la pièce et des néons qui chantent au-dessus du bar. Elle pose ses deux pieds à terre, range les verres devant elle et s'apprête à faire pareil avec la caisse lorsqu'un bruit attire son attention en direction de la porte des toilettes.
Elle frissonne, la barmaid.
Son regard fixe le bois rouge qui semble la narguer. Elle sent son estomac qui se tord. Elle pourrait s'y rendre sans poser de questions mais elle a vu trop de films d'horreur pour ne pas envisager le pire. D'un rapide mouvement, elle attrape le couteau qui lui sert d'ordinaire à trancher les agrumes et s'arme de courage. Me prends pas pour une bleue, je viendrai pas là où tu m'attires, mais à qui s'adresse-t-elle sinon à cette peur panique qui la gagne ? Elle longe le comptoir, faisant de son mieux pour rester face à la porte des toilettes. Sans un mot, sans un bruit, elle recule doucement, un pas après l'autre. Elle connait le Dave's comme sa poche, elle sait qu'il lui faudra à peine quelques pas pour atteindre la porte d'entrée. Elle la déverrouillera d'une main dans le dos et s'enfuira dans la nuit de Cloudcroft. J'suis peut-être pas une Laurie Strode mais je te garantie que je survivrai jusqu'au prochain volet d'ton film à la con, ses yeux rivés sur la porte, et c'est la dernière erreur qu'elle commet puisqu'en reculant, elle bute contre une masse informe qui n'a pas la consistance d'une porte de bar et qui n'est pas aussi loin qu'elle devrait l'être selon ses propres calculs.
Elle se retourne d'un coup, dans un sursaut.
AHHHHHHHHH ! Le son déchire la nuit, la grimace paralyse les traits d'ordinaire si doux de la barmaid qui se retrouve, sans s'y attendre, face au corps mutilé de son collègue, suspendu par les pieds au plafond du bar. PUTAIN ! parce que c'est le seul mot qu'elle parvient à articuler lorsqu'elle remarque les cavités vides à la place des yeux d'Oliver et le sourire qui a été agrandit au couteau jusqu'aux oreilles de la victime. Prise de panique, elle lâche le couteau, fait demi-tour et court instinctivement jusqu'à la remise. Elle la traverse à la hâte, s'apprête à entrer dans le couloir qui mène à la sortie de secours lorsqu'un bruit derrière elle la fait faire demi tour. VAS TE FAIRE FOUTRE. Elle crie dans le vide en reculant, doucement, à pas de loup. Dans sa tête, elle compte. Un, deux, trois, quatre, elle sait pertinemment que le couloir est long de dix mètres et qu'il lui suffit de sept enjambées pour atteindre la porte. Elle pourrait se retourner mais le bruit venait de derrière elle et Chloé refuse de se faire planter dans le dos, plutôt crever que mourir sans voir le coup venir. Une main de chaque côté du couloir, elle continue sa litanie silencieuse. Cinq, six, sept, et elle fait volte face.

Bonsoir Chloé
Tu n'aurais pas dû manquer l'hommage, c'est malpoli.

La voix est rauque, presque virtuelle, mais la personne qui lui fait face est à peine plus grande qu'elle. Chloé est aveuglée par l'aspect multicolore des néons qui lui agressent la rétine alors qu'elle tombe en arrière, sur le cul. Non, non, non, j'vous en supplie... Qu'elle s'entend dire sur un ton qu'elle ne se connaissait pas, glissant sur ses fesses pour rejoindre le bar, tentant de fuir son bourreau qui, lui, n'a même pas entamé sa marche funèbre.

Tu sais ce qu'on fait aux enfants qui sont malpolis, Chloé ?
On les punit.

Il finit sa tirade en sortant de sa manche une machette si impressionnante que Chloé ne réussi pas à retenir sa vessie un instant. Le liquide chaud réchauffe ses cuisses alors que la peur lui tord les entrailles. Non, non, s'il vous plait... ne me tuez pas. Mais elle n'est pas assez idiote pour ignorer qu'aucune supplication ne lui permettra de rembobiner le film de cette soirée et de modifier ses choix. L'effet papillon, paraît-il, une simple décision mal prise et c'est la Terre toute entière qui se renverse. Au moment où elle voit son agresseur faire le premier pas, elle le sait, Chloé, que tout est déjà terminé et, tétanisé, son corps refuse de lui obéir et se fige sur place.
Elle le regarde qui s'avance.
Elle le voit brandir l'arme.
Elle n'a pas même le courage de se protéger, seuls ses yeux se ferment alors qu'elle sent le métal froid s'écraser là, juste entre ses deux yeux.


Il est le premier à ouvrir la porte du Dave's ce jour-là, inquiet de trouver le bar fermé lorsqu'il y arrive. @Joseph est accompagné d'un de ses collègues lorsqu'il sort, machinalement, l'arme qu'il porte toujours dans le dos. Appelle le bureau et dis leur d'envoyer des renforts. Comment il le sait ? Sans doute l'instinct. Depuis des années maintenant, il vient ici tous les matins avec ses collègues avant de prendre le service. 21hLa salle est à peine éclairée lorsqu'il y pénètre mais règne ici une odeur qui le prend aux tripes. Il remarque la tâche de sang au sol et son cœur fait un bond. L'arme pointée devant lui, il entend comme un bruit de fond sur sa droite mais n'a pas le temps de remarquer le téléphone qu'une forme étrange, comme un amas de coussin, attire son regard, au fond du bar, sur la table de billard. Sans prendre la peine de récupérer le téléphone, il avance d'un pas, armé jusqu'aux dents.
Et toujours ce putain de bruit de fond...
Lorsqu'enfin il arrive devant la table, il manque de vomir. Bras et jambes écartées, reliées par des cordes qui se recoupent par-dessous la table, Chloé git complètement ouverte du bassin jusqu'aux clavicules. L'entier de son anatomie ainsi exposée à qui serait capable de le supporte. L'arme tombe et par réflexe, l'autre main vient se caler devant son nez et sa bouche. Il grimace lorsqu'il entend la voix de son collègue. Jo', tu devrais venir voir ça. il tourne la tête, rejoint son ami qui tient entre ses mains le téléphone à coque violette de Chloé. Sur l'écran, un minuteur. Dix secondes, Joseph ne peut pas détacher ses yeux du décompte. Lorsque le chiffre O apparait, une page s'ouvre sur l'écran indiquant le transfert d'un fichier et brusquement, sur le compte officiel de la ville de Cloudcroft, apparait le long couloir qui mène à la remise. Un rapide mouvement de la caméra vers le haut et le masque aux néons apparait, l'index contre la bouche. A nouveau le couloir et, tout à coup, Chloe qui recule dans sa direction. Putain d'enfoirés de merde. lâche Joseph en comprenant ce que contient la vidéo. Trop tard, n'est-ce pas ? Le meurtre diffusé en différé, exprès, comme pour mieux les narguer. Il soupire, frappe du pied par terre et fait volte face en entendant les sirènes à l'extérieur. Il s'apprête à sortir quand il voit écrit en lettres de sang sur la porte du bar pratiquement refermée :
CHAPITRE 2, SCENE 4.