■ Kaïs (EN VIE)

I'm the original one-eyed chicklet in the kingdom of the blind. 'Cause at least I admit the world makes me nuts.

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PRENOM : Kaïs (prénom arabe qui signifie fier ou distingué) AGE : trente-cinq bougies soufflées en début d'année. L'âge n'est qu'un chiffre, le reste se passe dans la tête et dans le corps. LIEU DE NAISSANCE : français de naissance, Paris pour ville d'adoption. Le Liban pour pays d'origine, ses parents qui ont suivi l'immigration et se sont installés en France dans l'espoir d'un avenir brillant. OCCUPATION : le bougre a suivi des études, il aurait pu s'en sortir, il aurait pu y arriver s'il n'y avait pas eu tout ça. Chemin différent, l'école de police pour tenter de trouver une raison derrière tout ça. Quelques années au service d'une justice détraquée et biaisée avant de comprendre que le système entier était défaillant et pourri. L'esprit qui craque, le corps qui lâche. Tout abandonner et s'enfuir au fin fond de la Roumanie pour devenir Garde Forestier, c'était pas un objectif de carrière mais désormais, ça l'est. Il s'en réjouit, s'en contente. ORIENTATION : hétérosexuel jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, un soir dans les vestiaires après un match de football, tout a changé. Depuis, il se situe entre deux même s'il a du mal à l'admettre. Chaque étreinte partagée avec un homme lui donne le sentiment de se trahir lui-même, un violent dégoût qui le secoue une fois le silence qui retombe. SITUATION PERSONNELLE : exclus et isolé, seul dans sa tête comme dans son coeur.

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Ce qu'il faut savoir de moi :
L'air était pollué, le bruit assourdissant, la foule oppressante mais son regard était fixe, ne bronchait pas. Le corps était allongé dans une marre épaisse de sang. Les reflets du soleil sur le liquide carmin aurait filé la gerbe à n'importe qui d'autre, mais pas lui. L'habitude, l'enfer des banlieues, du mythe à la réalité. Son regard qui ne se détachait plus, hypnotisé. Il fallu redoubler d'effort pour le sortir de sa transe, lui rappeler ses obligations et lui demander d'agir en conséquences. Le flic tiqua, grogna et puis, il fit le tour. Pas la peine d'épiloguer, il connaissait ce genre de cas, il l'avait vécu toute sa vie. L'homme abattu était une nourrice impétueuse qui avait tenté de se servir dans la marchandise. Cette mort, c'était avant tout pour faire un exemple. Ici, on ne plaisante pas. Quoi qu'il en soit, l'affaire serait vite réglée, comme toujours. On balaierait la merde sous le tapis, on prétendrait à un règlement de compte mais on ne chercherait pas le coupable. Le trafic nourrissait la banlieue, offrait des emplois malgré lui et permettait aux plus riches de maintenir la paix dans les quartiers. Le flic fit son rapport, dégoûté. Le monde changeait, autour de lui, l'enfer se dessinait sous les traits des badauds qui assistaient à la scène, un téléphone à la main. Le respect avait disparu au profit d'un voyeurisme extrême. Le but était d'avoir le meilleur angle, la meilleure vidéo pour obtenir le maximum de like et d'abonnements une fois publiée. Il ne tenta même pas d'éparpiller la foule, il se contenta de lever la main pour confirmer l'intervention de l'équipe suivante. Il n'esquissa pas l'ombre d'un sourire en retournant vers la voiture banalisée, il ne pouffa même pas de rire quand son collègue tenta un jeu de mot foireux. Dans la bagnole, il ne décrocha pas un mot. Les quartiers défilèrent sous son regard blasé, une fatigue lente et mortelle qui s'emparait de lui depuis longtemps. Il ne se reconnaissait plus, ne s'entendait même plus réfléchir. Le monde changeait et le rythme était trop rapide pour lui.

Et tout le ramenait à ça.
Toujours.
Chaque mort, chaque accident.

Alors quand il débarqua au commissariat de son arrondissement avec ses yeux sombres, tout le monde avait déjà plus ou moins compris. C'est dommage, dira-t-on, plus tard. L'avenir était prometteur, surtout pour un mec comme lui. Il venait de nul part, il avait commencé tout en bas et pourtant, la carrière était prometteuse. Personne ne put l'empêcher pourtant d'entrer dans le bureau de son employeur, personne non plus ne réussit à le convaincre de ne pas déposer, en silence, sa lettre de démission sur le vieux bureau. Les moyens manquaient, même ici. Alors on le laissa s'en aller, ce jour-là, sans tenter de comprendre. L'affaire de trop, c'est ce qu'ils diront plus tard. Ils sont beaucoup à péter un plomb dans le métier, une vérité comme une autre. Lui seul savait. Et cette nuit-là, il verrouilla la porte de son appartement pour la dernière fois en le quittant. La lune accueillit cette confidence en silence et l'accompagna jusqu'à la sortie de la ville... il roula des heures durant, la civilisation disparu au fur et à mesure derrière les vitres de sa vieille clio. L'esprit alerte et concerné, il roula jusqu'à sentir ses muscles s'engourdir. A chaque fois que l'envie de s'arrêter tenta de l'étourdir, il jetait un coup d'oeil au flyer maladroitement jeté sur le siège passager... Broyath Lake - nous recrutons pour différents postes dans le cadre de la réouverture du camp cet été.

C'était le début d'une nouvelle histoire.